16 Couleurs

16 Couleurs – graphisme & jeu vidéo

Le jeu vidéo : un passe-temps futile, des sociétés pas très fiables ?

10 Commentaires

ByeSimCitySocial

EA a donc décidé de fermer le 14 juin prochain les derniers jeux Playfish encore présents sur Facebook : Pet Society (en ligne depuis presque 5 ans !), The Sims Social et SimCity Social, sur lequel j’avais travaillé avec le reste de l’équipe Playfish à Pékin. Un rapide tour sur les forums des jeux en question permet de se rendre compte que les joueurs sont quelque peu amers.

Peut-être que ces jeux étaient rentables, peut-être qu’ils ne l’étaient pas ; je ne dispose pas d’information à ce sujet. Généralement les jeux arrivés à ce stade de maturité ne nécessitent plus qu’une équipe réduite puisque l’objectif est plus de conserver les joueurs existants qu’en attirer de nouveaux. Dans tous les cas, EA peut parfaitement décider que les ressources affectées à ces jeux seraient plus productives en étant redirigées vers d’autres projets.

Néanmoins je ne peux m’empêcher de penser que cette décision aura des conséquences préjudiciables du point de vue des joueurs. Le free to play est largement présenté comme une planche de salut pour le jeu vidéo, permettant de toucher une population très large (en particulier les gens les moins enclins à se considérer comme joueurs) tout en limitant les problèmes de piratage. Ces nombreuses personnes qui ont découvert le jeu vidéo par les free to play sur Facebook ou smartphones risquent de déduire de la fermeture soudaine de titres comme Pet Society que s’investir financièrement ou intellectuellement dans un jeu est une perte de temps, puisque le produit est susceptible de disparaître corps et biens en l’espace de quelques semaines.

ByePetSocietyLa situation est exacerbée par le fait que les derniers jeux Playfish sont des «creative canvas», supports quasi-vierges sur lesquels le joueur va lentement créer son univers en décorant chaque pièce de sa maison ou en construisant une ville à son image. Le contexte est légèrement différent pour des jeux comme Candy Crush Saga ou Bejeweled Blitz, où l’on dépense avant tout pour finir l’aventure ou battre ses amis. On paye pour une expérience, pas pour construire quelque chose, et on peut donc toutes proportions gardées comparer cette décision avec celle d’acheter un ticket pour un concert ou un film, au résultat tout aussi intangible.

La finalité est différente dans The Sims Social ou SimCity Social (ou même le nouveau SimCity, pour lequel le même problème se posera tout ou tard), jeux sans objectif clairement défini, où l’on paye surtout pour bâtir quelque chose. Si ce quelque chose disparaît brutalement, cela revient à démontrer à une génération de nouveaux joueurs que le jeu vidéo est un passe-temps futile proposé par des entreprises auxquelles on ne peut pas vraiment faire confiance. C’est tout comme si on leur indiquait qu’ils feraient mieux de passer à autre chose s’ils ne veulent pas perdre leur temps et leur argent. L’idée est tout à fait justifiable d’un point de vue philosophique (après tout il est sûrement plus enrichissant de passer ses soirées à écrire des poèmes ou à peindre à l’aquarelle) mais probablement un peu suicidaire pour l’industrie du jeu vidéo dans son ensemble.

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Auteur : HP

Professionnel de l'industrie vidéoludique depuis plus de 15 ans, j'écris principalement sur l'infographie, le business des jeux vidéo et la demoscene.

10 réflexions sur “Le jeu vidéo : un passe-temps futile, des sociétés pas très fiables ?

  1. Artistiquement les jeux Playfish étaient très bien faits, c’était probablement les meilleurs de facebook. Dommage.

    • Je pense aussi que la fermeture soudaine des jeux et des studios qui y étaient associés a été un peu du gâchis… Mais on peut aussi y voir un processus de destruction créatrice qui aura permis l’éclosion de nouveaux studios sur les cendres de Playfish, comme Supersolid à Londres, Greenlit Games en Norvège ou Gosu Group à Pékin, avec à la clé des jeux plus originaux que ce qui aurait été possible sous la supervision d’EA.

  2. je viens de découvrir Adventure Town de chez Supersolid. Je trouve que le scénario fait (légèrement) penser à celui de Act Raiser et Solo Crisis de chez Quintet (bon ce n’est pas exactement le même mais ça y ressemble un peu), dans la mesure où il faut à la fois (re)construire une ville (qui a été détruite par les forces du mal), et combattre des monstres. Quant à Battlefront Heroes (de Gosu), il rappelle les bons vieux Command and Conquer et autres Red Alert.

    Il me semble que Playfish possédait également une filiale US et une filiale à Tokyo. Que sont-elles devenues ?

    • Effectivement le scénario et les graphismes d’Adventure Town font assez japonais 🙂

      Le studio de San Francisco a été absorbé par EA Redwood Shores il me semble. Quant à Playfish Japan, ils sont (re)devenus EA Japan et travaillent entre autres sur la série des FIFA World Class Soccer sur mobile.

  3. Pour ce qui est de la série ActRaiser/Solo Crisis, ce sont surtout ces jeux qui, bien que japonais, font beaucoup penser à des jeux occidentaux (notamment à Populous, il y a de fortes chances que Quintet se soit inspiré). Quintet a également réalisé de nombreux A-RPG – Illusion of Time, Terranigma, Soul Blazer -, avec des thèmes récurrents : la résurrection du monde, le mysticisme, la communication avec les morts et les « esprits »…

    Pour ce qui est des jeux sociaux en général (et des jeux facebook en particulier), beaucoup d’entre eux rappellent les jeux japonais des années 90 (en mieux dessinés bien sur, les nouvelles technologies permettant des graphismes de bien meilleure qualité) : la 2D, les graphismes kawaii, beaucoup de couleurs (donc agréables à regarder), les thématiques multiples (science-fiction, fantasy etc;). Cela dit, je trouve que les scénarios et les musiques de ces jeux sont moins élaborés (à de rares exceptions près : SimCity Social qui présentait une énorme diversité de bâtiments, ce qui est rare pour un jeu de simulation)… bref, on sent bien que ces jeux sont fait pour passer le temps avec ses amis ou au bureau, là où les jeux sur console étaient destinés à un usage individuel (avec le plaisir d’un scénario captivant et de musiques prenantes)

    Le gros inconvénient des jeux online est qu’on ne peut pas les télécharger sur son PC, du coup, le jour où une entreprise décide de fermer ses serveurs (et c’est déjà arrivé à maintes reprises), on ne peut plus y jouer. Voilà pourquoi je préfère les jeux individuels (ceux qu’on peut avoir chez soi, sur son PC) aux jeux online, trop fragiles et éphémères. ^^

    • Je suis arrivé à peu près aux mêmes conclusions… Magie de l’émulation aidant, dans 10 ans on pourra toujours jouer à n’importe quel jeu des années 80 ou 90, mais il est fort probable que 95% des actuels jeux en ligne (ou même des jeux hors ligne mais nécessitant une connexion à un serveur quelconque) auront disparu, le reste ayant probablement été complètement dénaturé après des centaines de mises à jour plus ou moins heureuses…

      À ce niveau c’est en fait le problème de la conservation du patrimoine vidéoludique qui va se poser tôt ou tard. Ça me fait d’ailleurs penser qu’être né il y a quelques décennies est plutôt un avantage sur ce point, dans le sens où les jeux auxquels on a pu jouer étant gamins peuvent être préservés indéfiniment 🙂

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  6. « L’idée est tout à fait justifiable d’un point de vue philosophique (après tout il est sûrement plus enrichissant de passer ses soirées à écrire des poèmes ou à peindre à l’aquarelle) »

    Allons allons pas de hiérarchie dans les loisirs ! Et surtout pas pour quelqu’un qui connait de façon pertinente le milieu du JV 😉
    Pour moi c’est une activité aussi enrichissante qu’une autre…

    en tout cas je partage l’idée sur le fait que prendre les fragile et volatine casual gamer pour des Girouettes ne peut rien amener de bon

    • Mon opinion sur ce sujet a pas mal évolué depuis la rédaction de ce billet… Des études scientifiques ont démontré que les jeux vidéo font partie des activités considérées comme stimulantes pour le cerveau, au même titre que pratiquer un instrument musical, écrire , lire ou jouer à des jeux de société. En fait la seule activité de loisir qui n’a que peu d’effet sur les fonctions cognitives est la télévision 🙂

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