16 Couleurs

16 Couleurs – graphisme & jeu vidéo


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Jeu : Q*Bert (Android/iOS)

Q*Bert est l’un des jeux d’arcade des années 1980 les plus emblématiques grâce à ses décors et ses personnages très distinctifs. Conçu en 1982 par Warren Davis et Jeff Lee chez Gottlieb (le célèbre constructeur de flippers, qui avait à cette époque une branche dédiée au jeu vidéo), le jeu fut selon la légende inspiré par les images surréalistes de M.C. Escher. Outre cette pyramide de cubes isométriques plutôt novatrice, le titre proposait aussi de la synthèse vocale. Enfin presque, puisque aussi bien Q*Bert que les ennemis ne s’expriment qu’avec un charabia incompréhensible. Pour l’anecdote, si Q*Bert dispose d’une sorte de trompe, c’est qu’il était initialement prévu qu’elle lui permette de lancer des projectiles, mais la fonctionnalité fut supprimée durant le développement.

Gros succès des salles d’arcade, le jeu a évidemment connu une déclinaison sur tous les supports alors présents sur le marché, mais il n’aura en définitive connu que peu de suites après ce premier opus : Q*Bert Qubes en 1983, Q*Bert 3 en 1992 sur Super Nintendo, et en 1999 le traditionnel passage en 3D sur Dreamcast et Playstation, avec une version Game Boy Color en 2D pour faire bonne mesure. Le pauvre Q*Bert a ensuite connu une vraie traversée du désert jusqu’à un reboot (intelligemment appelé Q*Bert Rebooted) sur console et mobile en 2014. Si Sony (détenteur de la license suite à son rachat de Colombia – qui détenait Gottlieb) a décidé de sortir Q*Bert du placard à ce moment là, c’est probablement dû à son apparition dans le gros succès de Disney lors des fêtes en fin d’année de 2012 : le film Wreck-It Ralph (Les Mondes de Ralph en France)

Fin 2018, Disney remet le couvert avec Ralph Breaks the Internet (Ralph 2.0 en France) dans lequel Q*Bert devait être de nouveau de la partie, même si la scène fut en définitive coupée de la version finale (elle semble être disponible sur la version Blu-ray). La simple perspective de l’apparition de Q*Bert dans un nouveau blockbuster a dû suffire à décider Sony à financer un nouveau jeu, qui déboule sur le marché mi-2019.

Simplement appelé Q*Bert, le jeu est une excellente surprise, à la fois respectueux de la licence et résolument moderne. Le développement fut confié à Lucky Kat, un petit studio indépendant basé à La Hague aux Pays-Bas et spécialisé dans les jeux pour mobile. Le titre reprend le principe de son ancêtre de 1982 : il s’agit de colorer tous les cubes à l’écran en évitant les ennemis, et c’est tout. On dirige le petit extra-terrestre en glissant simplement son doigt dans la direction désirée, ce qui est à la fois intuitif et plus pratique que sur console ou ordinateur où il y a toujours une petite confusion entre l’orientation isométrique du jeu et des boutons qui sont eux orthogonaux. Le jeu fait également fi de certains points de contention du jeu d’origine, comme le fait de pouvoir chuter en dehors de l’aire de jeu. Il en résulte un jeu moins frustrant et beaucoup plus facile d’accès.

Visuellement, le jeu propose des graphismes en pixel art du meilleur goût, modernes et très lisibles. Le contenu est honnête avec plus de 100 niveaux et une cinquantaine de personnages à débloquer. Chaque niveau ne dure qu’une ou deux minutes, ce qui en fait un jeu est idéal pour jouer à petite dose. On peut juste regretter que les niveaux les plus intéressants semblent arriver un peu tard dans le jeu et que les combats contre les boss soient un peu plan-plan et surtout quasi-identiques à chaque fois.

Comme beaucoup de jeux gratuits sur mobile, Q*Bert impose un nombre de publicités à la limite du supportable mais les supprimer ne coûte que quelques euros, ce qui est plutôt raisonnable en échange de quelques heures de jeu. En fait, je préfère voir le deal comme ceci : le jeu tel qu’il est prévu pour être apprécié est en réalité un produit premium, et le jeu tel qu’il est initialement installé est juste une démo, volontairement limitée par la présence de publicités.

Q*Bert sur Google Play et Apple App Store

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Valadon Automation, les pionniers de l’arcade « made in France »

Quand on pense aux jeux d’arcade du début des années 1980, les acteurs qui viennent spontanément à l’esprit sont surtout des grosses structures américaines ou japonaises comme Atari, Sega ou Namco. Ce qui est moins connu, c’est qu’à côté de ces géants a évolué pendant quelques années une petite entreprise française depuis tombée dans l’oubli : Valadon Automation.

Logo Valadon Automation

L’histoire commence à Chalon sur Saône en 1977, où Alain Valadon crée une entreprise spécialisée dans l’électronique industrielle et en particulier l’automatisation des centrales à béton. En 1979, la jeune société pivote vers le secteur du jeu vidéo avec dans un premier temps la fabrication d’alimentations électriques pour René Pierre, alors le principal constructeur et distributeur de bornes d’arcade français et également basé à Chalon sur Saône. Rapidement l’entreprise décide d’étendre ses activités et de s’atteler à la conception complète de jeux. Elle n’hésite pas à flirter avec l’illégalité à ses débuts, avec un premier titre en 1980, Millpac, qui n’est de toute évidence qu’un bootleg du Milipede d’Atari : une ROM modifiée à la marge, principalement pour en expurger les mentions du concepteur d’origine ! Une pratique qu’on retrouvera quelques décennies plus tard sur les jeux Nintendo en Chine et à Taiwan. Les titres suivants de Valadon sont heureusement plus originaux et s’enchaînent assez rapidement.

Le plus connu est sans conteste Le Bagnard, sorti en 1982 et connu à l’exportation sous le nom de Bagman, en particulier aux États-Unis. Le jeu est assez novateur et techniquement impressionnant pour l’époque, avec une action qui se déroule sur trois écrans et des paramètres relativement complexes : ramener l’argent à la surface en utilisant les chariots de mine et les ascenseurs à bon escient, arbitrer entre porter une pioche pour étourdir les gardes ou un sac d’argent, le tout en essayant de garder en tête la position des différents gardes qui circulent entre les écrans. Le jeu fut porté de manière officieuse sur diverses machines 8 bit sous les noms de Gilligan’s Gold ou Bagitman. Un passionné a même décidé récemment de le porter sur Colecovision !

En 1983, Pickin’ puise son inspiration du côté de Sokoban en y ajoutant des visuels abstraits et des ennemis qui rappellent un peu ceux de Qix, dont certains déplacent les caisses aléatoirement ! En résulte un action-puzzle original qui paraît particulièrement difficile, surtout avec sa bande son légèrement stressante.

Également commercialisé en 1983, Super Draw Poker est un vidéo poker d’apparence assez classique.

Super Bagman sort en 1984 et est évidemment la suite de ce qui fut le hit de Valadon. Il y ajoute des armes à feu, des dénivelés plus importants, des escalators et une musique de fond.

Tank Busters sort lui en 1985 et est un shoot’em up multidirectionnel assez nerveux et de belle facture où l’on contrôle un tank ou un hélicoptère.

Outre la conception et la commercialisation de ses propres jeux, l’entreprise endosse aussi le rôle d’éditeur et de distributeur en France de certains jeux d’Itisa, le pendant espagnol de Valadon, comme Botanic et Squash en 1984. Itisa semble d’ailleurs avoir joué le même rôle pour les jeux de Valadon au sud des Pyrénées. Voir à ce sujet ce blog post très détaillé traitant des pionniers de l’arcade en Espagne.

À son apogée, Valadon produit une centaine de PCB pour bornes d’arcade par jour, mais la société abandonnera le jeu vidéo en 1985 suite au crash du secteur pour retourner à ses premiers amours, l’automatisme dans le domaine industriel. Une stratégie couronnée de succès puisque la société existait encore récemment de manière indépendante, dans les même locaux et avec un logo inchangé comme on peut le voir sur le site web de 2014 ! Elle a depuis été acquise par Vinci Énergie qui l’a absorbée dans le reste de ses activités.

Mise à jour du 2 mars 2018 : Le Monde a récemment publié un long article consacré aux premiers jeux vidéo français en Saône-et-Loire qui mentionne Valadon Automation en détail.