
EA a donc décidé de fermer le 14 juin prochain les derniers jeux Playfish encore présents sur Facebook : Pet Society (en ligne depuis presque 5 ans !), The Sims Social et SimCity Social, sur lequel j’avais travaillé avec le reste de l’équipe Playfish à Pékin. Un rapide tour sur les forums des jeux en question permet de se rendre compte que les joueurs sont quelque peu amers.
Peut-être que ces jeux étaient rentables, peut-être qu’ils ne l’étaient pas ; je ne dispose pas d’information à ce sujet. Généralement les jeux arrivés à ce stade de maturité ne nécessitent plus qu’une équipe réduite puisque l’objectif est plus de conserver les joueurs existants qu’en attirer de nouveaux. Dans tous les cas, EA peut parfaitement décider que les ressources affectées à ces jeux seraient plus productives en étant redirigées vers d’autres projets.
Néanmoins je ne peux m’empêcher de penser que cette décision aura des conséquences préjudiciables du point de vue des joueurs. Le free to play est largement présenté comme une planche de salut pour le jeu vidéo, permettant de toucher une population très large (en particulier les gens les moins enclins à se considérer comme joueurs) tout en limitant les problèmes de piratage. Ces nombreuses personnes qui ont découvert le jeu vidéo par les free to play sur Facebook ou smartphones risquent de déduire de la fermeture soudaine de titres comme Pet Society que s’investir financièrement ou intellectuellement dans un jeu est une perte de temps, puisque le produit est susceptible de disparaître corps et biens en l’espace de quelques semaines.
La situation est exacerbée par le fait que les derniers jeux Playfish sont des «creative canvas», supports quasi-vierges sur lesquels le joueur va lentement créer son univers en décorant chaque pièce de sa maison ou en construisant une ville à son image. Le contexte est légèrement différent pour des jeux comme Candy Crush Saga ou Bejeweled Blitz, où l’on dépense avant tout pour finir l’aventure ou battre ses amis. On paye pour une expérience, pas pour construire quelque chose, et on peut donc toutes proportions gardées comparer cette décision avec celle d’acheter un ticket pour un concert ou un film, au résultat tout aussi intangible.
La finalité est différente dans The Sims Social ou SimCity Social (ou même le nouveau SimCity, pour lequel le même problème se posera tout ou tard), jeux sans objectif clairement défini, où l’on paye surtout pour bâtir quelque chose. Si ce quelque chose disparaît brutalement, cela revient à démontrer à une génération de nouveaux joueurs que le jeu vidéo est un passe-temps futile proposé par des entreprises auxquelles on ne peut pas vraiment faire confiance. C’est tout comme si on leur indiquait qu’ils feraient mieux de passer à autre chose s’ils ne veulent pas perdre leur temps et leur argent. L’idée est tout à fait justifiable d’un point de vue philosophique (après tout il est sûrement plus enrichissant de passer ses soirées à écrire des poèmes ou à peindre à l’aquarelle) mais probablement un peu suicidaire pour l’industrie du jeu vidéo dans son ensemble.